Vendredi 10 juin
J-2... A quelques heures du départ pour le Limousin je n'en mène pas large ... Pourtant je pense m'être bien préparé physiquement. J'ai suivi un plan d'entraînement élaboré pour les trails au delà de 50 km depuis 3 mois à raison de 6 séances par semaine avec de la qualité (seuil, vma, côtes) et de la quantité (sorties longues, rando-courses de 3 à 6h) le tout avoisinant les 90 km/semaine. J'ai testé mon matériel de course et mon équipement durant les entraînements.
Premier hic : je me suis entraînée sous la chaleur, avec visière et débardeur, et depuis quelques jours les températures chutent et des averses sont annoncées pour Dimanche. Je m'habille comment moi du coup ? T-shirt à la place du débardeur, casquette à la place de la visière, et ensuite ? Coupe vent super léger et légèrement imperméable (malheureusement même de l'intérieur ... = sauna) ou manchons de bras lorsque je commencerai à avoir froid ? Je pense opter pour cette dernière solution car avec la fatigue je deviens vite sensible au froid, et puis je peux les retirer facilement et les nouer autour de la taille. Certes, mais je n'ai pas testé ceci durant mes entraînements et ce petit grain de sable à ma préparation bien huilée m'ennuie profondément.
Second hic : à courir deux lièvres à la fois (mon triathlon cf. articles précédents) j'en ai oublié de m'intéresser à un "détail" crucial de ce trail, à savoir son dénivelé. Et ce n'est qu'une fois le triathlon d'Enghien derrière moi et parce qu'un collègue du casino me le demandait, que je suis enfin allée voir quel profil nous attendait dans le Limousin. Le Limousin que je saches ce n'est pas les Alpes ! Et pourtant ... Quelle ne fut ma surprise, que dis-je, ma stupéfaction de réaliser que 3318 mètres de dénivelé positif nous attendaient !!! (= autant en D- dont une piste de descente de VTT ... = l'enfer pour mes genoux !). Gros gros coup au moral ... J'adore les grimpettes (je parle cap messieurs voyons !), moins les descentes mais ce qui me gène par dessus tout dans cette histoire c'est que je ne vais pas courir un trail de 65 km en 6 ou 7h comme je le prévoyais, mais plutôt entre 8 et 9h, au mieux ! En effet, en trail, 1000 mètres de dénivelé positif correspondent ,environ, à 10 km supplémentaires sur le plat. Ouch ! Une vraie erreur de débutante ! Ou alors mon subconscient at-il voulu faire l'autruche pour une raison que j'ignore ...J'en parlerai à mon psy !
Bref, du coup je suis obligée de porter plus de gels et de poudre énergétiques dans ma sacoche, et puis je me remémore mes 10 pénibles derniers kilomètres à partir du 45 ème en Mars dernier à l'Ecotrail de Paris (juste 1000m D+ !) et si j'avais envisagé d'en baver 90 mn de plus cette fois çi, je n'aurais par contre jamais signé pour 3 heures supplémentaires ! Toute ma stratégie mentale (visualisation) est à retravailler, et dans un laps de temps un peu trop court à mon goût pour être réellement efficace. Donc depuis lundi je "travaille" sur moi-même afin de retrouver une motivation qui me permette de ne pas abandonner lorsque les moments de "moins bien" et de lassitude arriveront. Et c'est là que je penserai très fort à mes deux fidèles amis et supporters que je ne remercierai jamais assez de leur soutien, Marc et Claude. Coureurs eux aussi, à des degrés certes divers (ultra pour l'un et marathonien pour l'autre), ils ont su trouver les mots pour m'encourager et surtout ils ne m'ont pas demandé :"mais pourquoi tu le fais alors ?" ou: "tu devrais plutôt participer au trail de 32 km !". Pas de ça chez nous !
samedi 11 juin
J-1... Direction le Limousin au petit matin ! Levée à 7h après une nuit assez courte et agitée à force de doutes et de questionnements, nous prenons la route assez tôt pour profiter de la journée à Ambazac, récupérer les dossards et retrouver les copains et les copines ! Je ne conduis pas et somnole durant les 4 h de trajet avec le cerveau qui carbure encore à 100 %. Une vilaine contracture sur le quadriceps gauche se réveille doucement jusqu'à devenir fort douloureuse à la fin du voyage = stress supplémentaire. Je suis fatiguée, il fais gris et tristounet, j'ai froid lorsque nous arrivons à Bessines sur Gartempe ches nos copains. J'y retrouve les amis qui sont inscrits sur le 32 km ("les Gendarmes et les Voleurs de Temps") et le 10 km avec plaisir, mais surtout Flora, rencontrée dans le Kerala cet hiver et que je retrouve aussi avec bonheur. Elle ne semble pas dans une meilleure forme que moi et le déjeuner ne nous "ravigotte" pas pour autant.
En milieu d'après-midi, direction Ambazac afin de récupérer les dossards. Je compte les inscrits sur le panneau d'affichage : 540 pour le 65 km (qui devait être limité à 500) dont une quarantaine de féminines. Un seul nom féminin m'interpelle dans cette liste : il s'agit de Sylvie Peuch dont j'apprendrai plus tard son palmarès sur 24 h ( 224 km et championne du monde par équipe à Séoul en 2008 !!!) Je ne fais pas la queue pour recevoir mon sac avec le précieux césame et le t-shirt (sympa cette année !) contrairement à mes amis sur le 32 km car ils sont plus de 1500 à y être inscrits.
Je retrouve quelques copains içi, il faut dire que les différentes courses proposées ce we à Ambazac drainent un monde de folie, tant sur le plan des trailers que de leur famille ou de la population locale: Dominique Chauvelier, speaker habituel de l'évènement, mon ancien antraîneur Jean-Claude Lecornec qui a enfin son stand SDPO (oragnisateur de courses en Asie) sur le site, Widy Grego rencontré en Corse il y a quelques années (le "rasta trailer" !), Bruno Lacroix ancien rédacteur en chef de Jogging... Et puis il y a les "stars" du milieu de la course à pied sur route ou en trail que je ne connais pas personnellement mais qui ajoutent la touche "must" à cette grande fête du trail en France (Thierry Breuil, Damien Vierdet, Florence Fricottaux, Nathalie Vasseur, etc. pour les références voyez sur le net ! lol)
De retour chez nos amis en fin de journée, je décide d'aller trottiner autour d'un lac à proximité afin de me rassurer quand à ma contracture et surtout afin de tenter d'évacuer mon trop plein d'anxiété. 25 mn à petite allure, je me sens bien et surtout je constate que ma douleur à la cuisse s'envole dans le mouvement ! Je rentre sereine et, pour la première fois de la journée, je n'ai enfin plus froid !
Douche, dîner de sportif (pâtes natures + blanc de poulet + riz au lait) et direction l'hôtel où je termine de préparer mes affaires (accrocher le dossard sur le t-shirt sans trembler n'est ce pas Mumu !) pour le lendemain avant d'aller me coucher à 23h ...
(Mes amis inscrits sur les GVT : Yannick; Eric; Flora; Ray; Jean-Jaques)
dimanche 12 juin
D-day... Ma montre sonne à 5h15 pour le réveil mais celà fait déjà quelques minutes que je suis réveillée. Pourtant c'est pile l'heure à laquelle je m'endors d'habitude ! Je prépare mon petit déjeuner énergétique: "cookies" de chez Punch Power et café bien chaud, puis je m'allonge encore 30 minutes avant de me lever définitivement. Je tiens à manger dans les 3 heures qui précèdent le départ car je ne vaudrais pas gâcher tous ces mois de préparation à cause d'inconfort digestif ! Départ de l'hôtel à 7h pétantes. Il fait frais et humide mais le soleil envoie rapidement quelques rayons qui me rassurent. La brûme sur le lac que je longerai dans quelques heures, a des reflets fantasmagoriques et je repense à mon ami Claude qui m'a conseillé de bien profiter du paysage quoiqu'il advienne aujourd'hui. J'applique donc son conseil de suite. Je veux être sur place 45 mn avant, histoire de trottiner avant le départ et ainsi libérer mes intestins ! Mes manchons s'avèrent rapidement superflus dés les premières foulées et je les range dans ma ceinture.
(échauffement)
Je retrouve les copains mais ne m'attarde pas trop : je ne veux pas louper le départ ! Il y a foule, mais la plupart des concurrent se presse pour le départ du 32 km, 1/2 heure après le mien. J'arrive sur la ligne de départ à peine 5mn avant le coup de pistolet libérateur des gendarmes à cheval qui ouvrent "le bal". Je suis devant du coup, et je n'ai pas trop attendu en piétinant ce qui est ma foi très positif !
(Je suis au premier plan, complètement à gauche ! Cherchez ...)
Je démarre à un bon rythme mais sans non plus être dans "le rouge" afin de ne pas me retrouver plus tard coincée par de moins rapides que moi. Avant de quitter Ambazac nous devons courir 3 km dans le domaine de Muret, ce qui me permet de croiser le regard de mes amis une dernière fois au détour d'un virage. De plus tous les spectateurs nous encouragent ce qui est très entraînant. Je pense être à 12 km/h à ce moment là et déjà une voix crie sur mon passage "troisième féminine !". Pour une fois je ne stresse pas : je ne veux pas me mettre la pression si tôt ! Je rattrape rapidement une fille qui s'avèrera être Sylvie Peuch, je me sens plus rapide qu'elle alors je la double sans me poser de question. Puis nous quittons la foule et sa clameur et le trail commence réellement ...
Je suis un groupe de gars habillés Salomon des pieds à la tête, à l'allure et au physique très "pro". Belle allure, mais dés le premier raidillon, leur meneur leur conseille : "bon les gars on marche, il reste 60 bornes à faire et on va pas se griller dés le départ !". ??? Je dois faire quoi moi ? Suivre leur conseil, qui est d'ailleurs le conseil de tous les magazines de course à pied (et Dieu sait si j'en lis !!!) qui prônent l'ECONOMIE selon l'adage de "qui veut aller loin ménage sa monture", certains de ces magazines précisant de plus que " il n'y a pas de honte à marcher dans les côtes, même les meilleurs le font afin d'aller au bout dans les meilleures conditions". Je réflèchis à tout ça... tout en continuant à trottiner. Eh oui, j'ai beau être une fille je ne suis pas trop calculatrice. Je doute fort que les "meilleurs" se mettent à marcher dés qu'un peu de dénivelé se pointe et puis surtout je ne sais pas marcher ! Ou bien à l'allure escargot. Je sais que ma force réside dans ma foulée rase moquette quelque soit le degré d'inclinaison du terrain. Et puis "M..." je ne me suis pas fait "CH... (la vulgarité aide ma réflexion, excusez moi) à me taper du fractionné en côte depuis des mois pour marcher à la moindre occasion !" Donc je trottine, advienne que pourra dans quelques heures, mais en attendant je double ces messieurs, relance en haut de la côte et les plante là.
Et de ce fait, durant les 15 premiers kilomètres, à chaque début de difficulté, la plupart des gars que je rattrape adopte ce tempo à l'économie. Certains me redoublent une fois la descente reprise, mais pas la majorité, et je grapille ainsi quelques places. Le problème c'est que quand tout un groupe se met à marcher devant vous, il faut vraiment se faire violence pour ne pas adopter par mimétisme le même rythme. Heureusement pour moi, au fur et à mesure de ma progression, je croise de moins en moins de ce type de trailers, à part de très bons marcheurs dont la vitesse est similaire à mes petites foulées ! Je ma cale derrière un type, plus ou moins de ma taille, assez trapu, qui adopte exactement comme moi un petit trot à chaque raidillon. Il s'appelle Michel De Oliveira et nous ferons chemin commun un bon bout de temps.
Nous passons le 20ème kilomètre sans que je m'en rende compte. Je suis à ce moment sur une allure de 11 km/h. Quand soudain, patatras ! En fouillant dans ma sacoche à la recherche de mon deuxième gel énergétique, je bute sur une racine et je m'allonge de tout mon long. Ce fut si rapide que je n'ai même pas eu le temps d'avoir peur ni mal. Tous les gars qui m'entourent sont aux petits soins "ça va ?", "t'es certaine ?". "Oui oui, tout est ok" je les rassure et nous repartons. Mes mains me piccotent mais je ne sens pas de douleur ailleurs et pourtant mon genou droit est en sang. Sympa, ce look de warrior ! Je décide de ne plus manquer de vigilance même si tout me semble facile jusqu'à présent.
Le soleil est présent et le temps est lourd. Les portions en sous-bois font du bien, car il y fait humide mais par contre la visibilité est moindre. La population locale est omniprésente, ainsi que certains accompagnateurs de coureurs, dés lors qu'ils peuvent se tenir sur les portions facilement accessibles. Nos prénoms étant affichés sur nos dossards c'est un réel plaisir d'entendre tous ces gens les scander à notre passage. Mais ce qui me procure le plus de frissons ce sont les applaudissements des personnes qui crient et qui préviennent les autres que je suis la première féminine. Je n'ai jamais su où et quand j'ai doublé la première , si tant est qu'il y en ait eu une autre, mais je suis ainsi encouragée dés la première heure de course ! Et ce sera ainsi tout au long de ce trail, les encouragements s'intensifiant avec les kilomètres. Je n'ai jamais vécu celà. Je suis littéralement portée par tous ces inconnus à chaque village ou route traversés. Mes poils se hérissent, je vis des moments d'euphorie que je canalise pourtant bien vite car je ne "veux pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tuée". Tant que la ligne d'arrivée n'est pas franchie tout peut arriver: une défaillance, une blessure, une erreur de parcours, tout peut basculer et la route est encore longue avant de rallier Ambazac ! Et puis je ne sais pas du tout où en est la seconde féminine : à quelques secondes ou quelques minutes ? Je ne pense qu'à celà : faire du mieux que je peux, le plus longtemps possible, afin de n'avoir aucun regret si je me fais remonter à un moment donné. C'est tout juste si je m'accorde quelques secondes pour "abreuver les coccinelles" au bout de 3 heures alors que j'en ai mal au ventre depuis deux !
Au trentième kilomètre nous atteignons le point culminant de ces monts d'Ambazac : le Puy de Sauvagnac à 700 mètres . La vue de la haut est magnifique, le ciel est dégagé et c'est l'ensemble de toute la région qui s'offre à nos yeux avec les lacs en contre-bas, un pure moment de beauté. Beau, mais court. Nous replongeons dans la forêt. A ce moment là je cours avec un gars du pays qui connait le parcours comme sa poche pour s'y entraîner régulièrement, même si c'est la première fois de sa vie qu'il tente une distance au delà de 32 kilomètres. Il avoue le plaisir qu'il a de me suivre car il n'a jamais couru avec quelqu'un à l'allure aussi "régulière". C'est un fait, sur du long je suis un vrai métronome. Le côté rigolo c'est que ce matin nous avions garé nos voitures l'une derrière l'autre ! Il me prévient que le plus difficile reste à venir, et que ,même si nous redescendons maintenant crescendo, les bosses vont devenir de plus en plus raides par la suite. En attendant il me largue dans une descente super technique, très très raide, avec de gros pavés inégaux de hauteurs variables. Cette descente est longue et je suis incapable d'y courir. Il faudrait sauter comme un cabri plutôt, et ma récente cruralgie m'en empêche, sans compter mes genoux qui ne me réceptionneraient pas. J'ai l'impression de crapahuter dans le Verdon ! Plus de rubalise: je flippe 1/4 de seconde et crie à mon guide "t'es toujours là ?" "Oui !" me répond-il au loin. "Y'en a d'autres des comme ça ???" "Non, c'est la seule !" Ouf ! J'espère que les autres gonzesses ne sont pas plus hardies que moi ... Elles risquent même d'être coincées si elles précèdent un hésitant comme je peux l'être ! Il faut dire que moi, je suis maintenant solo.
Ouf, un gendarme au milieu de nulle part ! Comment est-il arrivé là ? La descente se fait moins raide, puis facile et après quelques minutes je retrouve une portion de route où je rattrape mon autochtone qui vient lui de retrouver sa femme et son coach qui le suivent à chaque fois qu'ils le peuvent !
Je ne le verrai plus, il aura laissé peut-être trop d'énergie dans cette descente ou bien le 32 ème kilomètre lui aura t-il été fatal mentalement. Je regarde ma montre : 3h10. Si j'avais couru les "GVT" c'est le temps que j'aurais mis ! (3h23 en 2008). Je pense à mes amis, certains ne doivent plus être très loin de la ligne d'arrivée.
J'arrive au second ravitailement au 39ème kilomètre. La table est immense. Je file directement au niveau des bouteilles d'eau et perds un peu de temps à retrouver ma poudre énergétique glissée au fond de ma banane. J'avais encore un fond d'eau mais je remplis mes deux bidons de 600 ml à ras bord. Paf ! Un mauvais mouvement et l'un de mes bidons se renverse. Perte de temps inutile, je respire : ne pas stresser, calculer ses gestes. Je recommence l'opération, ferme correctement les bouchons et c'est reparti ! Je ne pense pas avoir perdu trop de temps, moins sûrement que ceux qui arrivent aux tables pour pic-niquer ! Il y a beaucoup de monde pour nous encourager là encore. Nous sommes sur une portion commune avec le 32 km mais dés la sortie de la zone de ravitaillement, le "GTL" bifurque à gauche .
En principe, sur le site internet de l'organisation, seuls deux ravitaillements étaient prévus sur ce GTL. Mais à la réception du dossard, le road-book remis à ce moment là en indiquait quatre + quatre points d'eau supplémentaires. Ils ont du modifier leur plan avec la canicule des derniers mois par peur du risque de déshydratation de certains coureurs ! Je n'ai rien modifié à ma tactique prévue pour ce trail : recharger en eau au 19ème et au 39ème. Ensuite, si je coinçe un peu sur la fin, je pourrai toujours remettre un peu d'eau manquante dans un bidon, contrairement à l'Ecotrail en Mars où j'avais terminé à sec.
Une fois passée cette bifurcation je me retrouve complètement seule. Il reste encore 25 km à parcourir et il ne s'agit pas de louper le balisage. Mais ce dernier est très très bien fichu. Rubalise (Adidas, blanche, dommage pour la couleur pas très voyante) accrochée aux arbres, panneaux avec fléchage bleu pour le GTL, et flèches au sol peintes en bleu avec GTL au dessus. Il faut vraiment être très très fatigué pour les louper ! De plus, le trail "Les Gendarmes et les Voleurs de Temps" ayant été créé il y a déjà 11 ans par les ... gendarmes sportifs de Limoges, c'est tout naturellement que Jean-Luc Monges le président de la nouvelle association organisatrice continue de faire appel à leurs services pour assurer la sécurité et les orientations tout au long des différentes épreuves de ce long week-end de la Pentecôte. Ainsi gendarmes, réservistes, adjoints volontaires, très jeunes pour la plupart, sont là à chaque point stratégique ou biffurcation, afin de nous indiquer le bon sentier à suivre. Certains nous encouragent, d'autres n'osent pas. Je ne manque pas de les remercier et envoie aux plus beaux sourires un bref salut militaire. Prestige de l'uniforme ...N'empêche : rester, parfois seuls, debout des heures durant à voir passer des coureurs au compte-goutte tout un dimanche, même s'ils sont rémunérés, je leur tire ma casquette !
De temps en temps je remonte un coureur isolé, parfois c'est l'inverse. Pas le temps de parler. La fatigue est là pour tout le monde, chacun va à son rythme. Je continue de courir mais marche dans certaines côtes maintenant. Et c'est vrai qu'il y en a de raides !
Parfois nous rejoignons sur de plus ou moins brèves portions, le parcours des GTV. Je double alors les quelques personnes en queue de course qui ne manquent pas non plus de m'encourager à mon approche. J'en reverrai certaines à deux reprises et leur annonce mon intention de les doubler par un "c'est encore moi !" Je vous jure que je n'ai pas de boisson illicite dans mes bidons, mais à un moment donné je double Polichinelle ! "Vous êtes la première féminine" croit-il m'informer, ce à quoi je lui réponds " et vous le 1er Polichinelle !". Je croise aussi parfois quelques randonneurs isolés qui me confirment que je suis sur le bon sentier. Toujours ce besoin d'être rassurée...
50ème kilomètre. Tout va bien. Fatiguée mais pas HS, bien moins que sur l'Ecotrail après le 45ème kilo ! Une belle descente et les premières crampes aux mollets commencent à ressentir. Je décontracte ma foulée au maximum et avale un tube d'arnica homéopathique. Je bois correctement et ne suis pas en pénurie d'eau car au 51ème (point d'eau) j'en ai remis un peu par sécurité. Je commence à visualiser mon arrivée ... Et si seulement ... Il est 13h05 exactement. Je suis sur les bases de 10km/h encore. Je pense à Ray : at-il bien terminé ? Il doit être en train de pic-niquer avec nos amis à ce moment là. Je lui avais émis l'idée, hier soir, que celà me ferait certainement du bien de le voir aux différentes intersections routières dans les 10 derniers kilomètres ... Encore faut-il pouvoir sortir la voiture de l'immense parking où tous stationnent. J'avais fait ça en 2007 lorsque je l'avais accompagné içi pour le suivre sur le 32 km. Il pleuvait des trombes d'eau ce jour là ... Bref, mes pensées vagabondent ... jusqu'au 57 ème kilomètre annoncé fièrement par un gendarme. Il est 13h50 et c'est à partir de là que d'un seul coup je commencerai à avoir un coup de moins bien. Encore 8 km ... La distance annoncée de 65 km sur ce GTL est-elle exacte ? Un peu plus, un peu moins ? ... Après encore quelques bosses cassantes dans la "pampa" (parcours commun cette fois avec le 10 km qui doit démarrer à 16h. Je pense à ma copine Christelle qui doit y participer : je serai rentrée pour la voir !)
Une dernière route à traverser. Je me souviens très bien de celle là : pas de Ray. Tant pis ! Il me reste 2 kilomètres à parcourir. Ma visualisation à ce moment là est nettement plus précise. Je vais arriver première féminine ! J'imagine tous ceux qui m'attendent à l'arrivée. Je suis heureuse, j'espère que tous seront fiers de moi, à comencer par celui qui devrait m'acceuillir le premier, mon ami Dominique Chauvelier (le speaker du we, dont je vous ai déjà parlé : 4 fois champion de France de marathon + reccord à 2h 11 !) que j'adore. Mais, cerise sur le gâteau, je rêve depuis 2007 lorsque j'avais donc accompagné Ray içi, de franchir un jour une banderolle sur la ligne d'arrivée. L'organisation en a t-elle prévu une aussi sur le GTL ? ... Je suis encore dans les sous bois à marcher péniblement dans une terrible côte qui n'en finit pas. Puis c'est la descente vers les célèbres "marches" qui donnent sur la petite chapelle d'Ambazac. La foule est omniprésente. Des hurlements à mon passage. Je ne peux pas courir dans ces marches et je m'aide même de la rampe ! Et puis, la route, telle un boulevard vers l'arrivée. Des centaines de spectateurs de chaque côté des barrières qui hurlent mon prénom, qui hurlent des "bravo", qui crient des "allez !" Je suis sur un nuage. Je vole littéralement. Je sprinte à 15km/h !!! Je n'ai JAMAIS ressenti une telle émotion de ma vie (L'arrivée de l'Ecotrail déjà très émouvante x 2 !). J'entends Dominique au micro qui commence déjà à me présenter "et voiçi Virginie Thévenot, première féminine , croupière au casino d'Enghien ..." Et je la vois : la banderolle, comme à la télé ! Donc, comme à la télé je lève les bras pour la franchir !
Je termine ces 65 km en 6h48 exactement. Thierry Breuil, le grand vainqueur tant attendu n'aura mis "que" 5h20. Je ne sais plus où je suis, où dois je aller maintenant, où sont mes amis ? Je marche jusqu'à la table de ravitaillement. Un secouriste me conseille d'aller à leur tente faire soigner mon genou, j'entends Dominique me demander de revenir plus tard pour une interview. Un caméraman me suit, et lorsqu'il commence à poser ses questions j'ai beaucoup de mal à retenir mes larmes.
La seconde féminine, Sylvie Cognon, arrive quand à elle plus d'1/2 heure après moi en 7h22 ! J'avais de la marge ... Elle n'est suivie qu'à une minute de Sylvie Peuch en 7h23.
Au général je termine à la 37ème place, sur 540 inscrits et 438 arrivés. Il n'y avait que 34 femmes au final sur les 43 inscrites.
Je passe voir les secouristes. Ils nettoient mon égratignure mais surtout ils m'offrent une verre de coca ! Il vaut tout les champagnes du monde celui là à ce moment précis. Flora m'y retrouve. Génée. Et elle m'apprend qu'en fait, au moment où j'arrivais, ils étaient encore tous en train de déjeuner sur l'herbe à quelques mètres de là. Ils ont fait un bond en entendant mon nom, replié à toute vitesse les paniers repas et se sont regardés un peu honteux d'avoir loupé ça. Mais pas Ray : "elle avait dit entre 8 et 9 h ! On n'y peut rien si on était pas là avant !" No comment.
Mais rien ne peut ternir ma joie ni mon bonheur. Jean-Claude Lecornec mon ancien entraîneur a une joie non feinte à mon égard. C'est grace à lui que j'ai connu mes premières belles victoires: en 2005 au MDS, puis en 2006 sur le 100 km de Belvès, à l'UTMB et enfin en Chine sur son trail. Je n'aurais jamais pensé, lorsque l'on m'a annoncé en 2007 qu'il valait mieux que je stoppe la course à pied, qu'un jour je connaitrais à nouveau de tels moments d'émotions. Et depuis quelques mois je n'arrête pas. (Jean-Claude Lecornec)
Je n'ai qu'un seul mot à dire en conclusion : j'EN PROFITE !!!
Le podium tarde un peu mais je suis comblée de cadeaux : assiettes, montre cardio, émail ...Ce n'est que le soir venu que les premières douleurs d'après course se font sentir. J'ai un gros hématome à la cuisse droite, de belles courbatures aux deux jambes inévitables, mais rien de bien méchant. Une douleur aussi dans le bas du dos : vertèbre de déplacée ou micro-chocs de ma ceinture porte- bidon ? On verra ça plus tard !
Lexique :
GTL = Grand Trail du Limousin (65 km)
GVT = Gendarmes et Voleurs de Temps (32 km)
Trail = course nature
Sur ce trail , en dehors de ma préparation physique avec mes six entraînements par semaine, j'ai aussi optimisé ma préparation alimentaire : cure de probiotiques (Probiolog) 15 jours avant et après, acides aminés BCAA depuis 3 mois et aussi durant l'épreuve, cure de granules d'arnica une semaine avant et pendant la course, arrêt des glucides à J-7, réintroduction des glucides à J-4 + Carboloade ("nouilles liquides" d'Authentic Nutrition) à J-3, plus de fruits ni légumes crus à J-2, un gel énergétique /heure de course à l'entraînement et pendant la course + boisson énergétique (Authentic Nutrition) tout du long , Boisson de récupération (Authentic Nutrition) 1/2 heure après l'épreuve.
Maintenant c'est : REPOS ! Un peu de natation cette semaine, de la natation + du vélo la semaine prochaine et je ne recommencerai mes footings qu'à partir du 27 juin !